vivek-kundra-cio-gov

Alors que le Conseil Stratégique de l’Economie Numérique (CSEN) vient de décider lors de sa dernière réunion du 8 avril 2016 (un mois déjà) la création du nouveau poste (tant attendu) de Directeur des Systèmes d’Information de l’Etat, et en attendant la nomination de notre tout premier DSI de l’Etat tunisien, voici pour vous le portrait « atypique » du premier DSI de l’histoire du Gouvernement américain, avec comme cerise sur le gâteau un papier de ses réflexions sur le service public (Reflctions on Public Service). Un écrit qui tient en douze pages, et dont l’essentiel à été repris ici en bon français.

À méditer pour les prétendants au poste et ceux qui s’intéressent au thème de la modernisation administrative et particulièrement au sujet du Gouvernement agile…

En tant que premier Directeur fédéral des Systèmes d’Informations (Chief Information Officer – CIO) de l’histoire des États Unis, Vivek Kundra est une véritable icône au sein des sphères de l’innovation dans le secteur public, du Cloud Computing et de l’Open Data.

Désigné par Obama en 2009 à l’age de 34 ans, Kundra a géré lors de son « court » passage à la Maison Blanche de 2009 à 2011, plus de 80 milliards de dollars en investissements IT au sein d’une des plus grandes organisations des systèmes d’informations dans le monde et a permis à l’Etat fédéral, en deux ans et demi, de réduire ses dépenses IT de 3 milliards de dollars ! Il était un « early-evangelist » prêchant la bonne parole en faveur des bénéfices de l’Open Data et du Cloud Computing dans le secteur public.

Ainsi, sous sa supervision a été lancé Data.gov, le premier portail Open Data du gouvernement fédéral américain, ouvrant le bal aux autres pays de se lancer dans la course d’ouverture de leurs données publiques.

Vivek a également mis en œuvre la première politique gouvernementale sur le Cloud Computing, qui était un modèle pour les organisations IT de par le monde en quête de plus d’efficience avec moins de ressources (doing more with less).

Avant de rejoindre l’Administration Obama, Vivek Kundra conseillait le comité de transition du Président nouvellement élu Barack Obama sur les problématiques technologiques. Il était alors considéré comme l’un des prétendants pour le poste nouvellement créé de Directeur fédéral des Systèmes d’Information (DSI) au sein de l’administration Obama. Il est officiellement nommé le 5 mars 2009, à 34 ans, par le Président en personne.

La réputation de Vivek Kundra qui lui a permis d’accéder au plus haut rang décisionnel de la scène IT américaine, il l’a doit justement à son passage en tant que DSI à la ville de Washington DC de 2007 à 2009, où il transforme littéralement son mode opératoire par le recours à des technologies disruptives : Wikis, Youtube, Twitter, messagerie collaborative Google Apps, et Open Source.

Mais son véritable coup de maître, il le doit notamment à l’organisation du premier Hackathon « Apps for Democracy«  lancé à Washington en octobre 2008 ; un concours de programmation collaborative qui a rapporté à l’Etat 47 applications d’une valeur estimée de 2.5 millions de dollars contre un investissement modique de 50 mille dollars, et qui a révélé au grand jour le potentiel économique de l’Open Data, et ce faisant a permis à la carrière professionnelle de Kundra d’accéder à de nouveaux paliers…

Pour rappel, Vivek Kundra figure dans le top 25 des CTO (Chief Technology Officer) du pays et a obtenu la consécration « IT Executive of the Year » en 2008 pour son avant-gardisme en matière de transparence, d’engagement citoyen et des économies budgétaires réalisées durant son mandat.

Reflctions on Public Service : Kundra passe aux aveux !

Le 12 août 2011, il quitte son poste de directeur fédéral des systèmes d’information et cède sa place à Steven VanRoekel pour un fellowship à l’Université de Harvard. Un communiqué annonçant son départ est rendu public sur le site de la Maison Blanche, sans toutefois préciser les raisons de ce départ « hâtif »…

portrait vivek kundra

Vivek Kundra – Former Federal CIO, US Government

A peine installé dans son nouveau poste de chercheur rattaché au Berkman Center for Internet and Society, il sort un premier papier dès sa prise de fonction à Harvard, le lundi 15 août, autrement dit 3 jours après son départ de son poste à la Maison Blanche !!!

Un papier non conventionnel à une publication universitaire classique, rédigé à la première personne du singulier et qui tient en seulement 12 pages, dans lequel il revient sur ses dix années passées au service de l’Administration et du Gouvernement américains et remonte ses souvenirs jusqu’à son enfance dans le Maryland.

Je vous passe des parties qui relatent l’enfance de « little » Kundra pour vous proposer quelques extraits directement liés à ses fonctions de DSI d’Etat. Vivek se rappelle ainsi de son premier jour de travail à la Maison Blanche, en février 2009 :

« A peine m’avoir félicité, mon équipe m’a remis une pile de documents présentant l’état d’avancement de l’équivalent de 27 milliards $ de projets IT, qui, tous étaient à des années-lumière de leurs plannings et de leurs budgets initiaux. Et encore, ces documents étaient-ils censés représenter le monitoring et le reporting les plus récents de ces projets, ce qui était loin d’être le cas.

Le gosse de mes voisins peut suivre les derniers résultats en direct de son joueur de baseball préféré en rentrant chez lui dans le bus. Et moi, depuis mon bureau de la Maison Blanche, je ne pouvais pas avoir une fichue update à jour de la manière dont on gère notre budget IT !!! Et pendant ce temps, notre Président voulait à tout coup garder son BlackBerry comme téléphone personnel ».

Frustré par cet Etat malade, archaïque et inefficient (on parle du Gouvernement américain là !), il poursuit :

« Le gap dans l’utilisation des nouvelles technologies entre le secteur public et le secteur privé fait perdre la bataille de la productivité et de l’efficacité au gouvernement fédéral dans la fourniture de services basiques et essentiels aux citoyens. Réduire ce gap est la seule manière de permettre au gouvernement de mieux servir ses concitoyens »…

Genèse d’un État moderne : agile et transparent

Le diagnostic bien établi, Kundra passe d’abord à redéfinir la « mission statement » d’un État moderne qui se respecte, empruntant un jargon qui relève de l’agilité IT plutôt que du champ lexical des « enarques » :

Pour lui, un État moderne se doit d’être :

AGILE, car « le gouvernement doit mieux se concentrer sur les intérêts des citoyens, et se concentrer sur ses fonctions essentielles, au lieu de passer son temps à acheter, configurer, maintenir en Etat des infrastructures totalement obsolètes » ;

et TRANSPARENT, car « quelque soit le problème étudié, que l’on parle des dépenses IT du gouvernement ou des problèmes de sécurisation des données du secteur privé, la transparence est le meilleur des vertus ».

Ensuite, et c’est le plus important, après avoir établi sa vision de ce que c’est un État moderne, il passe à l’action avec comme tiercé gagnant le Cloud Computing, la Cyber Sécurité, et l’Open Data, le tout avec une dose de bonne gouvernance des projets SI et de rationalisation des dépenses IT (80 milliards de dollars par an, dont 20 milliards consacrés aux infrastructures).

Et comme tout DSI qui se respecte et sait se faire écouter, il avait son mot à dire sur les dogmes qui régissent la notion de gouvernance des systèmes d’information en faisant valoir une nouvelle approche basée sur la transparence et la redevabilité (accountability), avec à la clé la mise en ligne d’un « IT Dashboard » pour piloter ce portefeuille de projets conséquents, et un plan d’implémentation pour la réforme du management de l’IT fédérale en 25 points (25 Point Implementation Plan to Reform Federal Information Technology Management).

Pour argumenter son Advocacy en faveur du Cloud, il relate le fiasco d’un projet Web de service en ligne qui n’a pas pu supporter le trafic entrant :

« Trois jours après son lancement, le site permettant de demander les primes a craché sous le poids des demandes […] environ trois fois plus importantes que prévues […] Résultat : on a vu de longues queues de citoyens qui gueulent, attendant des heures que leurs demandes puissent être traitées ! […]

J’étais vraiment en colère que la technologie ait ainsi compliqué la vie de centaines de milliers de citoyens américains. Et je sais que si ce site avait fonctionné sur des services Cloud, le service aurait été parfaitement capable de supporter la demande ! »

En ce qui concerne ses positions en matière de la cyber-sécurité, le constat de Kundra est affligeant :

« La sécurité est encore trop souvent utilisée pour justifier que le gouvernement agisse de manière ferme, secrète, opaque…

Tout en travaillant à la construction d’une vraie doctrine de cyber-sécurité pour notre pays, nous ne devons pas faire de l’argument sécuritaire une barrière à l’innovation et à l’échange avec les administrés que nous servons. »

Citant le cas du Département d’Etat qui avait commandé en six ans quelque 95000 pages de règles dédiées à la sécurité de 150 réseaux SI pour un montant de 133 millions de dollars :

« […] soit un coût de 1.400$ par page pour des documents devenus obsolètes 3 jours après leur rédaction ! […]

Il nous faut à la place un monitoring en temps réel qui permette aux agences fédérales des réactions plus rapides et efficaces à d’éventuelles attaques ! »

Enfin pour ce qui est de l’Open Data, dada de Kundra, ce dernier souligne notamment les vertus des Concours d’applications basés sur les données ouvertes, ces fameux Hackathons organisés par les différentes agences gouvernementales. Aussi, pour revenir au chapitre du lancement de la plateforme Data.gov, Vivek Kundra commente à ce sujet :

« Nous gérons Data.gov comme une Lean Startup. Le premier jour, nous avons lancé le strict minimum requis avec seulement 47 jeux de données. Deux années plus tard, on recense 389,907 datasets couvrant tous les domaines d’intervention, de la santé à la sécurité publique ».

Et comme tout bon discours, Vivek termine son papier avec une citation du Président Roosevelt, qu’il affirme emporter dans son portefeuille depuis ses débuts dans la fonction publique il y a près d’une décennie :

« We are face to face with our destiny, and we must meet it with a high and resolute courage. For ours is the life of action, of strenuous performance of duty; let us live in the harness of striving mighty; let us rather run the risk of wearing out rather than rusting out. »

Kundra's Legacy

De retour en… Tunisie

En Tunisie, alors qu’on attend avec impatience la nomination du heureux élu au nouveau poste de CIO (DSI en bon français) d’Etat annoncé lors de la dernière réunion du Conseil du Numérique, ce papier de Vivek Kundra est le tout premier papier de seulement 12 pages que notre prochain DSI de l’Etat a tout intérêt de lire… Mais pas que ça, tout DSI qui se respecte devra en prendre connaissance.

En attendant, le PV de la dernière réunion du Conseil en date du 8 avril fallait-t-il le rappeler n’est pas encore prêt, semble-t-il !!! Et l’on continue encore et encore à tergiverser pour la énième (re)définition de ce que c’est une administration moderne… De la procrastination pure et dure !

Nader Yamoun

Auteur : Nader Yamoun

Expert en inbound marketing et Consultant en transformation digitale des Entreprises. Fondateur et Manager de l'agence Web Design, agence digitale web et mobile. Anime à Tunis la communauté Google Business Groups des professionnels du marketing en ligne. Gère un Blog professionnel pour aider les entreprises à faire le cap du digital, baptisé Mon Entreprise En Ligne - MEEL. Profil Twitter | Profil Google+